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Droit de l’urbanisme : Comment faire face à un recours manifestement abusif contre un permis de construire

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Une augmentation des recours malveillants

Le contentieux des recours en excès de pouvoir présentés devant le juge administratif est en forte augmentation depuis quelques années. Cette inflation est extrêmement pénalisante pour les professionnels de l’immobilier, qui peuvent voir leurs projets bloqués plusieurs années, le temps que la justice administrative ait statué sur le recours frappant leur projet.

Il est malheureusement fréquent que ces recours soient malveillants, et que leur objectif consiste soit à préserver les intérêts d’un concurrent, soit à monnayer le retrait du recours pour permettre au bénéficiaire du permis de poursuivre son projet dans des délais raisonnables.

Une réponse inadaptée des pouvoirs publics

Confrontés à une inflation des recours crapuleux contre les permis de construire, les pouvoirs publics ont tenté d’apporter une réponse dans un décret du 1er octobre 2013. Toutefois plutôt que de s’attacher à résoudre la cause de cette inflation des recours, le décret s’est malheureusement attaché à rendre plus complexe l’accès au juge. En effet, le décret a dressé des barrières entre le justiciable et le juge d’une part en restreignant la recevabilité des recours à la fois dans le temps, au regard de la qualité du requérant et au regard de son intérêt à agir, et d’autre part en encadrant de façon plus contraignante la procédure et en supprimant le double degré de juridiction dans certains cas.

Les moyens de défense des professionnels de l’immobilier

Les professionnels de l’immobilier ne sont toutefois pas sans ressources contre de tels recours abusifs. En effet ces recours doivent répondre à des règles de recevabilités strictement encadrées, et à défaut peuvent être qualifiés d’abusifs. Dans ce cas, le requérant peut être condamné à payer des dommages et intérêts au bénéficiaire du permis.

En cas de recours contre un permis de construire ou toute autre décision voisine, il est primordial en tout premier lieu de passer en revue tous les motifs d’irrecevabilité possibles, ce qui suppose une pratique contentieuse du sujet.

Un avocat en droit immobilier et droit de la construction expérimenté est à même de soulever, avant tout débat au fond, tant les cas classiques d’irrecevabilité que ceux plus spécifiques, liés par exemple à la nature du projet immobilier contesté, ou à la qualité du bénéficiaire.

A titre d’illustration, on peut citer le cas suivant:

Le délai de recours des tiers de 2 mois qui commence à courir à compter de l’affichage du permis de construire sur le terrain semble favorable aux tiers, puisque ces derniers n’ont pas la charge de la preuve de la date à laquelle l’affichage était effectif. Cela favoriserait donc a priori le requérant, qui se verra difficilement opposer ce délai de 2 mois, faute pour le demandeur de rapporter la preuve de la date à laquelle il a procédé à l’affichage du permis. Mais il n’en va pas de même si le demandeur au permis de construire anticipe ces éventuels recours des tiers et pense à faire constater par huissier l’affichage afin de lui donner une date certaine.

Comment faire face à ces recours

Une bonne connaissance des règles de recevabilité permet d’anticiper les recours, et de se ménager en amont des armes de défense pour y faire face dans de meilleures conditions.

De même, concernant la qualité pour agir, si elle est souvent relativement aisée à démontrer pour un particulier voisin immédiat du projet, il n’en va pas forcément de même pour d’autres tiers tels que syndicats, associations, contribuable communal, ou autre personne morale ou publique dont l’objet social ou le ressort géographique n’a pas forcément de lien suffisant avec le permis délivré.

Les recours en excès de pouvoir doivent être notifiées par le requérant à l’auteur de la décision attaquée et à son bénéficiaire. Cette notification est également un motif d’irrecevabilité intéressant à étudier, car elle doit répondre à un certain nombre de modalités tenant à l’auteur de la notification, à son destinataire, à son contenu ainsi qu’à sa forme et à son délai d’intervention.

Ainsi, pour un permis de construire, la notification d’une copie du recours doit intervenir dans le délai de 15 jours à compter de la date du dépôt.

En cas de litige ou de contestation sur ce point, la production du certificat de dépôt de la lettre recommandée suffit à justifier de l’accomplissement de la notification. (CE, 15 mai 2013, n°352308)

La production du certificat de dépôt fait naître une présomption simple d’accomplissement de la formalité.

Si le destinataire entend remettre en cause le contenu du pli, sa contestation doit être utile et il ne peut se contenter d’affirmer qu’il n’a pas reçu le recours, il doit produire des éléments objectifs à l’appui de ses allégations.

Enfin le dernier grand motif d’irrecevabilité qui peut être soulevé avant tout débat au fond réside dans les exceptions d’illégalités soulevées par le requérant au soutien de sa demande d’annulation d’un acte. En effet, le requérant peut soulever par exemple l’irrégularité d’un document local d’urbanisme pour contester une décision accordant un permis de construire. Or ces exceptions d’illégalités ne sont pas forcément recevables ou opérantes.

Les décisions de justice sont favorables lorsque le caractère abusif est démontré

La Cour de Cassation n’hésite plus à sanctionner le recours abusif lorsqu’il révèle une intention manifeste de nuire de la part du requérant, sa légèreté blâmable ou sa mauvaise foi en ce qu’il a commis d’une erreur grossière équivalente au dol (A titre d’exemple : Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 5 juin 2012, 11-17919, dans une espèce où requérant a été condamné à payer plus de 385.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le bénéficiaire d’un permis abusivement contesté)

Notre conseil

Veillez à passer en revue avec un avocat expérimenté en droit de l’urbanisme, et en procédure contentieuse, les éléments du dossier en vue de mettre en avant de possibles motifs d’irrecevabilité lorsqu’un recours est exercé par un tiers afin, d’une part de contrer le recours avant tout débat au fond, et d’autre part tenter de mettre en lumière le caractère abusif du recours.

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